Par une circulaire en date du 24 août 2020, le Premier Ministre demande aux préfets de mettre en œuvre les pouvoirs dont ils disposent « pour lutter contre l’artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d’exploitation commerciale ».
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« La consommation économe de l’espace » est l’un des critères que les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) doivent prendre en considération lors de l’examen d’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC).
Plus récemment, avec le Plan Biodiversité de juillet 2018 et une instruction du 29 juillet 2019, le Gouvernement a affiché un objectif de « zéro artificialisation nette » du territoire, sans toutefois fixer de délai pour atteindre cet objectif.
Par la circulaire du 24 août 2020, le Premier Ministre décline cet objectif dans le domaine de l’urbanisme commercial.
Le préfet, en sa qualité de Président de la CDAC, a le pouvoir, en amont de la décision, de s’assurer que la commission dispose de tous les éléments permettant d’apprécier utilement l’impact d’un projet sur l’artificialisation des sols.
Une fois la décision de la CDAC rendue, le Préfet peut exercer un recours administratif ou contentieux à son encontre s’il estime que la commission a commis une erreur d’appréciation.
A la lecture de la circulaire du 24 août 2020, force est de constater que les préfets ont jusqu’ici rechigné à utiliser ces prérogatives.
En effet, selon le Premier Ministre, « si dans l’ensemble, les CDAC ont intégré les principaux enjeux et critères, une amélioration est possible et souhaitable » et « il apparaît que beaucoup de projets générateurs d’une consommation très importante de foncier ne font l’objet d’aucun recours en Commission nationale ».
Fort de ce constat et des récentes propositions de la Convention citoyenne pour le climat[1], le Premier Ministre appelle donc les préfets à mettre en œuvre les pouvoirs dont ils disposent « pour lutter contre l’artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d’exploitation commerciale ».
Concrètement, en amont de la décision de la CDAC, il est demandé aux services préfectoraux de transmettre un rapport quantifiant et appréciant « expressément » l’impact de chaque projet en termes d’artificialisation. Le Premier Ministre insiste sur le caractère « indispensable » de ces éléments « pour permettre à la CDAC d’apprécier objectivement les critères liés à l’aménagement du territoire et au développement durable, notamment ceux relatifs à la gestion économe de l’espace et à l’imperméabilisation des sols ».
Il est ensuite demandé aux préfets de saisir systématiquement la Chambre d’agriculture d’une demande d’ « étude spécifique de consommation des terres agricoles » et d’en rapporter le contenu à la CDAC.
Concernant la phase postérieure à la décision de la CDAC, le Premier Ministre – après avoir relevé le nombre extrêmement faible de recours introduits par les préfets devant la CNAC ou le juge administratif[2] – demande aux représentants de l’Etat « de saisir la CNAC chaque fois que la création d’un nouvel équipement commercial ou une extension est autorisée en CDAC alors que le projet ne (…) semble pas respecter, l’objectif « zéro artificialisation » ».
Le Chef du Gouvernement rappelle ainsi aux préfets qu’ils sont « les garants de l’application des politiques publiques et du respect des objectifs définis sur le territoire national » et qu’il est de leur rôle d’utiliser leurs prérogatives.
Il est à noter que cette circulaire du Premier Ministre intervient dans un contexte particulier, marqué par l’encadrement de l’implantation des grandes surfaces au nom de la préservation des centres-villes[3].
Outre l’objectif environnemental réaffirmé par la circulaire, la mobilisation des préfets devrait donc contribuer à la revitalisation des centres-villes, en contraignant les promoteurs et les grandes enseignes à repenser leur politique d’implantation et à utiliser davantage les friches situées en centre-ville.
Juliette Botella, avocate à la Cour
IROISE AVOCATS
Références : circulaire du 24 août 2020 sur le rôle des préfets en matière d’aménagement dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation
[1] V. Rapport final de la Convention Citoyenne pour le Climat, adopté le 21 juin 2020, cf. la proposition SL 3.3 : « prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace ».
[2] V. le point 2.2.1 de la circulaire : « le nombre de recours en CNAC formés par des préfets demeure très faible – de l’ordre de deux ou trois par an. Aucun recours contentieux d’un préfet n’est recensé contre une décision de la CNAC, ou contre un arrêté de permis de construire valant AEC (PC/AEC) en raison de l’avis favorable de la CNAC, alors même que, depuis 2014, pour les projets nécessitant un PC/AEC, le représentant de l’Etat dans le département n’est pas soumis au recours administratif préalable obligatoire ».
[3] Cf. à ce sujet les brèves suivantes rédigées par le cabinet :