Centre-Ville en Mouvement – Lettre d’actualité septembre 2020 – Juridique

La revitalisation des centres villes nécessite de mobiliser plusieurs leviers de politique locale (commerce, logement, voirie…).

Cela explique notamment que les opérations de revitalisation du territoire (ORT) privilégient une approche transversale.

Plusieurs leviers faisant l’objet d’un transfert obligatoire des communes vers les intercommunalités,  un certain flou persiste quant aux actions qui peuvent être menées à l’échelon communal.

Si les transferts obligatoires apparaissent indiqués lorsque le champ d’une problématique déborde les frontières d’une commune (par ex. l’analyse des dynamiques commerciales ou l’implantation des grandes surfaces), l’échelon communal apparaît pertinent pour mener des actions de proximité telles que la désignation d’un manager de centre-ville ou la préemption d’un fonds de commerce.

Juridiquement, les communes conservent-elles la capacité d’agir en ce sens ?

Nous nous concentrerons sur les communautés de communes et les communautés d’agglomération, a priori plus concernées par les opérations de revitalisation du territoire.

  1.  Des compétences utiles à revitalisation ne font pas l’objet d’un transfert obligatoire à l’intercommunalité

D’une part, les compétences nécessaires à la revitalisation des centres-villes ne font pas toutes l’objet d’un transfert obligatoire à l’intercommunalité.

Si la politique locale du commerce est obligatoirement transférée à l’intercommunalité (cf. ci-dessous), il n’en est pas de même de la compétence « voirie » ni, pour les communautés de communes, de la compétence « logement », dont le transfert reste facultatif[1].

Ainsi, le CGCT ne posant pas d’obligation de transfert concernant ces compétences, les communes membres peuvent décider collectivement de conserver ces compétences à l’échelon local.

S’agissant de l’outil que constitue la préemption des fonds de commerce, il est à noter qu’il appartient à la commune, la délégation à l’intercommunalité demeurant facultative[2].

  1. S’agissant des compétences utiles à revitalisation et obligatoirement transférées aux intercommunalités, leur transfert intervient sous réserve de leur intérêt communautaire.
  • En ce qui concerne le soutien au commerce, le Code général des collectivités territoriales (CGCT), dans sa rédaction applicable aujourd’hui, prévoit pour les CC et CA le transfert obligatoire de la « politique locale du commerce et [du] soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire».

Ce transfert obligatoire, introduit par la loi NOTRe du 7 août 2015, est tempéré par la référence à l’ « intérêt communautaire » de la compétence transférée[3].

Cet intérêt communautaire justifie en effet que l’EPCI ne retienne à son niveau que les actions dont la mise en œuvre ne serait pas bien assurée à l’échelon communal.

Suivant une réponse ministérielle de 2019, « cette ligne de partage au sein de la compétence « commerce » permet à l’EPCI … de laisser au niveau communal des compétences de proximité et d’exercer les missions qui, par leur coût, leur technicité, leur ampleur ou leur caractère structurant, s’inscrivent dans une logique intercommunale »[4].

La décision de l’organe délibérant de l’EPCI concernant l’intérêt communautaire doit être prise par l’organe délibérant à la majorité des 2/3.

Plus la définition de l’intérêt communautaire sera sélective, plus chaque commune bénéficiera d’une marge de manœuvre pour soutenir le commerce de centre-ville, par exemple en recrutant un manager de centre-ville.

  • La problématique est la même, pour les communautés d’agglomération, en ce qui concerne la politique du logement[5].

Cette compétence doit être transférée à l’intercommunalité mais la référence à l’intérêt communautaire permet à l’organe délibérant d’élargir ou au contraire de restreindre les missions pilotées au niveau intercommunal.

Ainsi les communes peuvent non seulement conserver plusieurs compétences nécessaires à la revitalisation de leur centre-ville, mais encore, s’agissant des compétences obligatoires des EPCI, continuer à intervenir sous réserve que la définition de l’intérêt communautaire le permette.

Ce maintien au niveau communal des compétences utiles à la revitalisation rejaillit sur les modalités de mise en œuvre de la compétence.

En effet, ce n’est que si la commune est compétente en matière, par exemple, d’animation du centre-ville, qu’elle pourra confier à une entreprise locale dont elle est actionnaire (SEML ou SPL) la mission de mettre en œuvre cette politique[6].

 

En conclusion, les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération conservent une marge de manœuvre importante pour intervenir dans la revitalisation de leur centre-ville, soit parce que les compétences utiles leur restent acquises (préemption commerciale, voirie, logement pour les communautés de communes), soit parce qu’elles l’ont décidé collectivement au moyen d’une définition sélective de l’intérêt communautaire.

Adrien Le Doré, avocat au barreau de Paris

IROISE AVOCATS

[1] Cf. l’article L. 5214-16 CGCT pour les CC et L. 5216-5 pour les CA.

[2] Cf. les articles L. 214-1 et L. 214-1-1 du Code de l’urbanisme.

[3] Selon une réponse ministérielle de 2018, la condition d’intérêt communautaire s’applique à la fois à la « politique locale du commerce » et au « soutien aux activités commerciales » (JO Sénat du 31 mai 2018 – page 2702).

[4] JO Sénat du 23 mai 2019 – page 2741.

[5] Font l’objet du transfert les politiques suivantes : « politique du logement d’intérêt communautaire ; actions et aides financières en faveur du logement social d’intérêt communautaire ; réserves foncières pour la mise en oeuvre de la politique communautaire d’équilibre social de l’habitat ; action, par des opérations d’intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées ; amélioration du parc immobilier bâti d’intérêt communautaire » (art. L. 5216-5 CGCT).

[6] Cf. l’article L. 1522-1 CGCT concernant les SEML.

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