L’un des recours était dirigé contre le permis de construire du porteur de projet (PC), l’autre contre la preuve de dépôt de sa déclaration au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

  1. En premier lieu, les arguments de droit de l’environnement ne sont pas recevables dans un contentieux d’urbanisme.
    En effet, conformément au principe d’indépendance des législations, les règles du droit de l’environnement « ne s’imposent pas à l’autorité délivrant le PC ».
    Cela constitue une première limitation pour les requérants, qui ne peuvent exploiter la complexité de la législation environnementale contre un PC.
  2. En second lieu, le contrôle du juge est restreint s’agissant de certaines dispositions du Code de l’urbanisme.
    S’agissant des dispositions du Code de l’urbanisme qui accordent une marge d’appréciation à l’administration (le maire « peut » refuser le PC ou l’assortir de prescriptions spéciales dans certains cas), le contrôle du juge est restreint, ce qui signifie qu’il ne va censurer la décision que si elle procède d’une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité qui a délivré le PC.
    Cela rend plus difficile la contestation du PC sur le fondement de la disposition en question.
  3. En troisième lieu la violation de la clause-filet doit être invoquée contre la bonne décision.
    Aux termes de l’art. R. 122-2-1 du Code de l’environnement, le préfet doit soumettre à examen au cas par cas tout projet, y compris sujet à simple déclaration ICPE, lorsqu’il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.
    Il s’agit de la fameuse « clause-filet », qui permet d’exiger une évaluation environnementale pour des projets qui n’atteignent pas les seuils de taille fixés par le Code de l’environnement.
    En l’espèce, le TA juge très clairement « qu’il résulte de ces dispositions que la décision de ne pas soumettre le projet à examen au cas par cas constitue une décision distincte de la preuve de dépôt de la déclaration » de sorte que la preuve de dépôt « n’a pas pour objet de statuer sur la soumission du projet à un examen au cas par cas » et ne saurait être attaquée sur ce fondement.
    La décision d’activer ou de ne pas activer la clause filet ne se confond donc pas avec la preuve de dépôt ICPE, mais constitue une décision distincte.
    Critiquer la preuve de dépôt sous cet angle est par conséquent inopérant.
  4. En quatrième et dernier lieu, le TA tranche une question d’interprétation d’une convention internationale applicable aux décisions prises en matière d’environnement.
    La Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 impose une information du public en amont de certaines décisions prises en matière d’environnement, notamment concernant les projets de « gazéification » et les « installations chimiques destinées à la fabrication industrielle d’engrais ».
    Les requérants avaient soulevé la violation de cette convention, arguant qu’un méthaniseur était assimilable à ces projets et que la procédure de déclaration ICPE ne prévoyait aucune procédure d’information en amont de la preuve de dépôt.
    Le TA rejette le moyen et juge, à notre connaissance pour la première fois, que l’art. 6 de la Convention ne s’applique qu’aux activités énumérées en son annexe I et que « l’unité de méthanisation objet de la décision attaquée ne constitue ni une installation de gazéification, ni une installation chimique destinée à la fabrication d’engrais en quantité industrielle ».
    L’article 6 de la Convention d’Aarhus n’est par conséquent pas opposable à un projet de méthaniseur relevant d’une déclaration ICPE.

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En conclusion, ces précisions jurisprudentielles permettent de relativiser le risque d’annulation que font peser les recours « tous azimuths » portés par certaines associations.

Adrien Le Doré et Marie de La Hamelinaye, avocats à la Cour, IROISE AVOCATS (Paris – Saint-Malo)

Référence des jugements :
TA Caen, 23 octobre, n° 2202129 (jugement rejetant le recours contre la preuve de dépôt de la déclaration ICPE)
TA Caen, 23 octobre 2024, n° 2300437 (jugement rejetant le recours en annulation contre le permis de construire)

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