Introduit par la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article L. 752-6 IV du Code de commerce dispose que « le demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale doit démontrer, dans l’analyse d’impact (…), qu’aucune friche existante en centre-ville ne permet l’accueil du projet envisagé. En l’absence d’une telle friche, il doit démontrer qu’aucune friche existante en périphérie ne permet l’accueil du projet envisagé ».

Cet article prescrit donc au porteur de projet de démontrer, dans un premier temps, l’impossibilité d’implanter le projet sur une friche située en centre-ville et, dans un second temps, si une telle friche n’existe pas, l’impossibilité de réaliser le projet sur une friche située en périphérie.

Cette obligation s’inscrit dans la politique d’utilisation économe de l’espace, de lutte contre l’artificialisation et de préservation des commerces de centre-ville initiée par la loi ELAN et amplifiée par la Loi Climat et Résilience du 22 août 2021.

La Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) et, en cas de contestation de l’avis de la CDAC, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), doivent s’assurer du respect de cette prescription.

Dans l’affaire commentée, la CDAC avait émis un avis favorable au projet d’implantation commerciale du pétitionnaire.

Saisie par un opérateur concurrent, la CNAC avait quant à elle rendu un avis défavorable, au motif notamment que le pétitionnaire n’avait pas démontré que l’implantation du projet sur une friche était impossible.

A la suite de cette décision, le maire avait refusé d’accorder le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, l’avis de la CNAC s’imposant à lui.

Le pétitionnaire avait alors saisi la cour administrative d’appel, soutenant qu’aucune friche commerciale n’était susceptible d’accueillir le projet et que les justifications apportées dans son dossier étaient suffisantes.

Analysant le dossier soumis à la CNAC, la Cour exerce alors un contrôle des justifications avancées par le pétitionnaire concernant les six friches mentionnées dans l’étude d’impact.

Si les justifications apportées pour cinq friches sont considérées comme suffisantes par la cour, la justification avancée par la pétitionnaire concernant la sixième friche ne la convainc pas.

Concernant cette friche, le pétitionnaire, après que la CNAC eut exigé des informations complémentaires, s’était contenté de renvoyer à son analyse d’impact, qui indiquait seulement que « [les] dimensions [de cette friche] sont insuffisantes pour accueillir le projet ».

Ce faisant, la Cour juge que le pétitionnaire n’a livré « aucune donnée chiffrée ou précisément circonstanciée sur ce point ».

La Cour en déduit que le pétitionnaire n’a pas démontré que son projet ne pouvait être accueilli sur cette friche.

Cette jurisprudence traduit une application stricte des dispositions précitées du Code de commerce par le juge administratif.

La Cour donne en effet toute sa portée à l’exigence d’une « démonstration » de l’impossibilité de recycler la friche.

Les porteurs de projet, s’ils envisagent une implantation ailleurs que sur une friche, doivent justifier précisément pourquoi une friche de centre-ville ou, à défaut, une friche située en périphérie, ne peut accueillir leur projet.

Cette obligation de privilégier les friches constitue l’un des outils de réorientation de l’urbanisme commercial vers une utilisation plus économe de l’espace, une moindre artificialisation et la préservation du tissu commercial des centres-villes.

Ces objectifs ont été approfondis avec la Loi Climat et résilience de 2021.

En effet, l’article L 752-6 V du Code de commerce pose depuis lors un principe d’interdiction d’artificialisation des sols en ce qui concerne les implantations commerciales.

Des dérogations sont prévues mais elles sont réservées aux implantations d’une surface inférieure à 10 000 m2.

Le dispositif législatif visant à limiter l’artificialisation commerciale présente ainsi plusieurs facettes.

CAA Marseille, 2 juill. 2024, n° 23MA01676

Adrien Le Doré, avocat, et Simon Barlet, juriste, IROISE AVOCATS

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