Le Conseil Constitutionnel déclare conforme à la Constitution l’interdiction de produire et d’exporter des produits phytopharmaceutiques non approuvés par la règlementation de l’Union européenne.

Le Conseil Constitutionnel vient de rendre une décision importante en matière de droit de l’environnement.

Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil Constitutionnel était saisi par des producteurs de produits phytopharmaceutiques de la conformité à la Constitution d’une disposition issue de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 interdisant la production et l’exportation des produits phytopharmaceutiques considérés comme dangereux par l’UE à partir du 1er janvier 2022.

Les requérants soutenaient que l’interdiction était, d’une part, vaine, puisque les industriels installés hors de France pourraient continuer à produire et exporter ces produits et, d’autre part, attentatoire à leur liberté d’entreprendre « par la gravité de ses conséquences pour les entreprises productrices ou exportatrices ».

En réponse, le Conseil Constitutionnel commence par consacrer un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement sur le fondement du préambule de la Charte de l’environnement selon lequel :

« l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel … l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains… la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation … afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Le Conseil en déduit que « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle », ce qui constitue une innovation jurisprudentielle et confère au nouvel objectif de valeur constitutionnelle une portée normative accrue.

Le Conseil estime ensuite que, combiné à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique (déjà reconnu en jurisprudence), l’objectif de protection de l’environnement justifie des atteintes à la liberté d’entreprendre pourvu que ces atteintes ne soient pas « déséquilibrées ».

En l’espèce, le Conseil considère, sur le fond, que l’interdiction est en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle précités, quand bien même les importateurs pourront continuer à s’approvisionner auprès d’industriels non installés en France.

Le législateur est en effet fondé à tenir compte des atteintes que les activités exercées en France peuvent porter à l’environnement à l’étranger.

Le champ d’intervention du législateur n’est donc pas cantonné aux frontières de l’Hexagone, ni même aux frontières de l’UE.

C’est estimer que les entreprises françaises ont un devoir d’exemplarité en matière de produits phytopharmaceutiques dangereux.

Par ailleurs, l’interdiction définie par la loi du 30 octobre 2018 entrant en vigueur au 1er janvier 2022, le Conseil estime que les entreprises concernées disposaient d’un délai d’adaptation de plus de 3 ans, délai jugé suffisant par le Conseil.

Dans ces conditions, l’atteinte portée par le législateur à la liberté d’entreprendre des industriels est justifiée au regard des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de protection de l’environnement.

Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020

 

Anaëlle Veuillot, avocat à la Cour

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