Le juge des référés ne peut annuler une procédure de passation lorsque le marché a été signé – Application de cette règle au recours en cassation.
Il est acquis que le juge des référés précontractuels ne peut connaître d’une demande d’annulation d’une procédure de passation lorsque le marché a été signé (cf. aujourd’hui l’article L. 551-1 du Code de justice administrative – CJA).
Cette condition de délai, rigoureuse pour le candidat évincé, se justifie par la nécessité de ne pas paralyser l’action publique par des référés tardifs.
En outre, cette condition n’est pas pénalisante pour le candidat évincé compte tenu de l’existence de recours dirigés contre le marché lui-même (référé contractuel, recours au fond contre le contrat, référé-suspension).
Au stade de la cassation, l’impossibilité pour le Conseil d’État de connaître d’une demande d’annulation lorsque le marché a été signé paraît en revanche moins justifiée.
En effet, si le premier juge a rejeté la demande d’annulation et que le pouvoir adjudicateur a signé le marché dans la foulée, l’application de cette règle conduit à ce que le candidat évincé soit privé de recours en cassation contre l’ordonnance du premier juge.
Or le pourvoi en cassation constitue la seule voie de recours contre une telle ordonnance, l’appel étant exclu.
Cette privation de toute voie de recours apparaît d’autant plus contestable qu’un pouvoir adjudicateur désireux de contester une ordonnance de référé bénéficie, lui, du pourvoi en cassation.
En effet, si le premier juge annule la procédure, le marché n’est pas susceptible d’être signé et le Conseil d’État pourra connaître du contentieux.
Ainsi, l’accès au juge de cassation dépend de la qualité de la partie – pouvoir adjudicateur ou candidat évincé -, ce qui est difficilement justifiable.
Afin de remédier à cette anomalie, il conviendrait que la suspension de la signature du marché, qui est automatique à compter de la saisine du premier juge (art. L. 551-4 du CJA), soit prolongée jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi et, en cas de pourvoi, jusqu’à la décision du Conseil d’État.
De la sorte, les candidats évincés pourraient utilement se pourvoir en cassation.
Cette suspension de la signature pendant l’instance de cassation nécessiterait que le Conseil d’État traite les dossiers aussi rapidement que le font les juges des référés des tribunaux administratifs.
Il serait en effet difficile d’admettre que le Conseil d’État ne puisse être tenu des mêmes obligations de célérité que les tribunaux administratifs.
C’est à ce prix qu’il serait mis fin au déséquilibre actuel entre le droit au recours des pouvoirs adjudicateurs et le droit au recours des candidats évincés.
A noter enfin que l’impossibilité de statuer sur une demande d’annulation une fois le marché signé n’empêche pas le Conseil d’État d’annuler l’ordonnance du premier juge pour dénaturation (CE, 27 mai 2016, n° 395863).
Adrien Le Doré – 9 janvier 2017