CAA Nantes, 5e chambre, 21 octobre 2025 – n° 23NT03296

Le permis de construire autorisant quatre poulaillers à La Ville-ès-Nonais (près de Saint-Malo) vient d’être annulé en appel — alors même que les bâtiments étaient déjà construits.

Les faits

Le projet portait sur quatre poulaillers de 400 m² chacun, avec parcours extérieurs, destinés à un élevage de volailles Label Rouge (jusqu’à 4 400 poules par bâtiment).

La Cour a annulé le permis au motif que l’opération se situait dans un espace proche de la Rance, où les constructions sont strictement encadrées par la loi Littoral.

Espaces proches du rivage : trois critères d’appréciation

Dans les communes relevant de la loi Littoral, les constructions sont par principe interdites en-dehors des agglomérations et villages existants (principe dit d’urbanisation limitée, art. L. 121-8 du Code de l’urbanisme).

L’article L.121-10 du Code de l’urbanisme prévoit une dérogation à ce principe concernant les constructions nécessaires à l’activité agricole, à condition qu’elles ne soient pas situées dans un « espace proche du rivage ».

En l’espèce, la Cour rappelle que la qualification d’espace proche du rivage dépend de trois paramètres :

  • la distance de la parcelle au rivage ;
  • le caractère urbanisé ou non du secteur, une parcelle étant plus facilement considérée comme proche du rivage lorsqu’il n’existe pas de zone urbanisée entre elle et le rivage;
  • enfin, la co-visibilité de la parcelle considérée avec le rivage (directe ou via un « ensemble cohérent » englobant la parcelle).

Le rôle déterminant du SCOT

Fait notable : alors que le Tribunal administratif avait relevé que le PLU communal n’avait pas classé le terrain d’assiette du projet dans les espaces proches du rivage, la Cour analyse elle le SCOT du Pays de Saint-Malo, au ressort plus large, et en déduit que ses auteurs ont voulu classer le terrain dans ces mêmes espaces.

Cela est cohérent avec l’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme, selon lequel le SCOT précise localement les modalités de protection du littoral en tenant compte du paysage, de l’environnement et de la capacité d’accueil du territoire.

Autrement dit, le SCOT prime sur le PLU en ce qui concerne la question de savoir ce qu’est un espace proche du rivage.

Une décision sévère pour le porteur de projet

La décision apparaît toutefois sévère dans la mesure où le SCOT du Pays de Saint-Malo renvoyait au PLU le soin de déterminer précisément les espaces proches du rivage à l’échelle de chaque parcelle.

Or la Cour n’examine pas le PLU dans sa décision, estimant apparemment que le SCOT se suffit à lui-même sur ce point.

Ceci pose question dans la mesure où, comme le jugement de 1ère instance nous l’enseigne, le PLU ne classait pas le terrain parmi les espaces proches du rivage.

La Cour vérifie seulement que la qualification décidée par le SCOT n’est pas erronée en appliquant au terrain les trois paramètres présentés ci-dessus.

La Cour estime ainsi que :

  • Le terrain est situé à une distance de 700 à 1 000 mètres du rivage ;
  • Aucune construction n’est implantée entre le terrain et le rivage ; et
  • Que si le terrain n’est pas visible en même temps que le rivage, il appartient à un « ensemble cohérent » qui lui l’est.

La Cour en conclut que le terrain est situé dans un espace proche du rivage et, toute régularisation étant impossible sauf à changer de terrain d’assiette, annule le permis comme contraire à l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme.

Cette annulation est particulièrement problématique en l’espèce car le jugement du Tribunal nous enseigne que les poulaillers avaient déjà été construits.

Un signal fort : la jurisprudence se montre stricte à l’égard des projets agricoles côtiers.

En résumé, cet arrêt interroge sur la notion d’espaces proches du rivage :

  • comment combiner SCOT et PLU lorsque le SCOT lui-même renvoie au PLU s’agissant de la détermination de ces espaces parcelle par parcelle ?
  • qu’est-ce qu’un « ensemble cohérent », qui permet d’élargir sensiblement le champ des espaces proches du rivage ?

De manière très concrète, l’arrêt rappelle également qu’il est important d’attendre la purge des recours contre le permis pour lancer les travaux.

Adrien Le Doré et Marie de La Hamelinaye, avocats à la Cour, IROISE AVOCATS (Paris – Saint-Malo)

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