Les arrêtés ministériels fixant le prix d’achat de l’énergie photovoltaïque constituent-ils des aides d’Etat au sens du droit de l’Union ? Irrecevabilité de la question préjudicielle renvoyée à la CJUE.

Estimant que le renvoi tardif de la proposition technique et financière par ERDF l’avait empêché de bénéficier d’un tarif d’achat d’électricité plus avantageux (fixé par l’arrêté ministériel du 10 juillet 2006), la société Ombrière Le Bosc, producteur d’énergie photovoltaïque, a assigné ERDF en réparation du préjudice financier subi.

Par jugement en date du 27 mars 2014, le Tribunal de commerce de Nanterre a fait partiellement droit aux demandes du producteur d’énergie et condamné ERDF en réparation du préjudice subi.

Au printemps 2014, ERDF et son assureur, AXA Corporate, interjettent appel de cette décision près la Cour d’appel de Versailles.

Devant la Cour, AXA Corporate soutient que l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les tarifs d’achat de l’énergie photovoltaïque constitue une aide d’Etat au sens du droit de l’Union, dispositif que l’assureur d’ERDF estime dès lors illégal, faute d’avoir été notifié préalablement à la Commission Européenne.

La Cour d’appel de Versailles décide alors de sursoir à statuer et saisit la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante :
« Les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, pris en application du décret 2000-1196 du 6 décembre 2000 et du décret 2001-410 du 10 mai 2001, eux-mêmes pris en application de la loi 2000-108 du 10 février 2000, sont-ils contraires aux articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne (anciennement 87 et 88 du traité de la communauté européenne), en ce qu’ils constitueraient une aide d’Etat, laquelle, si c’est le cas, dès lors qu’elle n’a pas été notifiée préalablement à la Commission en application de l’article 108 paragraphe 3 dudit traité, affecterait leur légalité ?»[1]

Le 30 juin 2016, la CJUE rejette, par voie d’ordonnance, la question préjudicielle comme manifestement irrecevable, sur le fondement de l’article 53 §2 de son règlement.

Dans son ordonnance, la CJUE rappelle qu’aux termes de l’article 94 de son règlement de procédure, la question préjudicielle doit notamment contenir :

  • la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce ;
  • l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union.

La Cour précise que ces exigences lui permettent de fournir des réponses utiles et permettent également aux parties intéressées (aux Gouvernements des États Membres notamment) de présenter des observations.

Or en l’espèce, selon la Cour, la rédaction de la question qui ne présente nullement les textes nationaux en cause et n’indique pas quelles dispositions de ces textes sont concrètement applicables au litige principal, ne permet ni aux juges européens de répondre utilement, ni aux parties de présenter leurs observations.

En outre, la Cour considère que les juges d’appel de Versailles n’ont pas donné d’indication relative au lien qui pourrait être établi entre les dispositions du droit de l’Union dont ils demandent l’interprétation – à savoir les articles 107 et 108 TFUE – et la législation nationale applicable au litige – à savoir les arrêtés du 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 – , précisions « indispensables » selon la Cour.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour de Justice juge donc manifestement irrecevable la question préjudicielle renvoyée par la Cour d’Appel de Versailles.

Il est à préciser que dans plusieurs affaires, la CJUE a décidé de reformuler elle-même la question posée, plutôt que de la déclarer irrecevable[2].

La Cour de justice n’ayant pas entendu mettre en œuvre cette faculté dans la présente affaire, le 20 septembre 2016,  la Cour d’appel de Versailles a reformulé sa question  et saisi la CJUE d’un nouveau renvoi préjudiciel[3].

CJUE, 30 juin 2016, affaire C‑669/15

Juliette Botella – 9 janvier 2017

[1] Cour d’appel de Versailles, 8 décembre 2015, 14/02549
[2] Voir notamment l’arrêt de la CJUE du 8 décembre 2011,  Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA contre Administración General del Estado Affaire C-157/10, §18-19
[3] CA Versailles, 20 septembre 2016, RG N° 16/05166

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